procès de Marie-Anne Houde et Télesphore Gagnon accusé de maltraitance envers Aurore Gagnon, dont l’affaire met en lumière le silence de la communauté de Sainte-Philomène-de-Fortierville dans les années 1920.
Aurore Gagnon (baptisée Marie-Aurore-Lucienne Gagnon) est la seconde fille de Télesphore Gagnon et de sa première épouse, Marie-Anne Caron, qu’il épouse en septembre 1906. Télesphore est un fermier prospère de Sainte-Philomène de Fortierville, petit village situé sur la rive Sud du fleuve Saint-Laurent à une centaine de kilomètres au Sud-Ouest de Québec. Il est propriétaire d’une terre à l’entrée Est du village et on estime qu’il possède 10 000 $ en biens en 1920. Le premier enfant des Gagnon, Marie-Jeanne, est née le 1er août 1907 et a été suivie par Aurore (31 mai 1909), Georges-Étienne (1913) et Joseph (1915-1917).
Peu après la dernière naissance, Marie-Anne Caron tombe malade et les médecins diagnostiquent vite la tuberculose. Marie-Anne Houde, la veuve d’un cousin de Télesphore, emménage bientôt chez lui afin de s’occuper de la maison et des enfants. Âgée d’environ trente ans, elle est mère de deux enfants, Gérard et Georges-Henri. Elle est originaire de Sainte-Sophie-de-Lévrard, une municipalité voisine de Fortierville. C’est à la suite de son arrivée que plusieurs drames successifs s’abattent sur les Gagnon. En novembre 1917, le corps du plus jeune des enfants, Joseph, un enfant de deux ans, est retrouvé mort dans son lit. Une enquête du coroner conclut à une mort naturelle. En janvier 1918, Marie-Anne Caron décède de la tuberculose à l’asile de Beauport, le 23 janvier 1918. Incapable de s’occuper seul de sa ferme et de ses enfants, Télesphore Gagnon épouse discrètement Marie-Anne Houde une semaine plus tard, le 1er février 1918.
Les enfants vont vivre quelques mois chez leurs grands-parents maternels à Leclercville, une autre municipalité voisine. Ce n’est qu’à l’été 1919 qu’ils réemménagent chez leurs parents. Pendant six mois, la seconde fille, Aurore, va vivre un martyre. Outre les sévices corporels, Marie-Anne Houde lui faisait boire de la lessive ou lui coupait mal les cheveux (selon certains témoignages). Aurore a même dû être hospitalisée à l’automne à l’Hôtel-Dieu de Québec parce que sa belle-mère avait brûlé son pied avec un tisonnier rougi au feu. À son retour de l’hôpital, les sévices ont vite recommencé. Le 12 février 1920, Aurore décède dans des circonstances tellement suspectes que les autorités sont alertées. Une autopsie est pratiquée dans le sous-sol de la sacristie de l’église par le docteur Albert Marois. Celui-ci note 54 blessures sur tout le corps de l’enfant, résultats des coups portés, aucune n’étant cependant mortelle par elle-même. La blessure la plus grave se trouve sur le côté du crâne. Le cuir chevelu est couvert de sang et de pus. La cuisse gauche est tuméfiée. Sur les doigts et les poignets, la peau est enlevée jusqu’à l’os.
Les funérailles ont lieu le 14 février. Le service fut fait par le prêtre de Fortierville Ferdinand Massé. À la sortie de l’église, Marie-Anne Houde est condamnée à la pendaison jusqu’à ce que mort s’ensuive8. Sa peine est cependant commuée en sentence à vie le 29 septembre 1920. Elle est toutefois libérée le 3 juillet 1935, pour des raisons de santé, car elle est atteinte du cancer du sein ainsi que du cerveau. Elle va s’établir chez une sœur de son premier mari sur la rue Saint-Denis à Montréal où elle meurt le 13 mai 1936. Télesphore Gagnon, également accusé du décès d’Aurore, fut quant à lui condamné à la prison à vie (pour homicide involontaire), mais il a été libéré de prison en 1925 pour « bonne conduite » après avoir purgé seulement 5 ans. Par la suite, il retourna dans son village natal et continua son « ancienne vie », où il écrit plusieurs lettres à Marie-Anne Houde, toujours en prison. Après la mort de cette dernière en 1936, Télesphore se remarie, avant de mourir en septembre 1961. La sœur aînée d’Aurore, Marie-Jeanne, est décédée en 1986 à Shawinigan